Idées voyage

Larguez les amarres, voyagez en cargo

Larguez les amarres, voyagez en cargo

On imagine cette affaire réservée aux baroudeurs, à ceux qui exigent leur lot d’épreuves, de cambouis et de tempête avant de toucher leur terre promise, ou encore à de pieux rêveurs, nostalgiques des poètes d’antan, tous soudés autour du « c’était quand même mieux avant ». Erreur. Le voyage en cargo est désormais l’apanage d’une sacrée bande d’initiés, adeptes de la différence, d’une pause avec le monde et son temps, du slow travel, de mer à l’infini, d’escales pour vrais marins… Chacun son argument, chacun sa route, chacun son cargo.

 

A bord d’un cargo, voici retrouvé le vrai parfum de l’aventure, l’ivresse d’un monde non-balisé, le sentiment d’intense liberté qui sied à la mer, aux marins et à leurs bateaux cabossés dont on ignore la prochaine aventure, l’escale suivante. Bonne nouvelle, il est possible d’embarquer pour vivre au rythme des routards de l’océan. Mieux : le choix des itinéraires, des bateaux, des durées de navigation ainsi que des découvertes, est immense. Dans des conditions de confort bien plus qu’honorables.

En France, nous pouvons souscrire aux offres d’une compagnie, CMA CGM (www.cma-cgm.com), un géant des océans, dont les porte-conteneurs accueillent des passagers payants. Ou bien à celles du spécialiste de la formule, l’agence Mer & Voyages (www.mer-et-voyages.info), qui revendique des accords avec la plupart des compagnies européennes de navigation marchande pour proposer 180 types de croisières (maritimes, fluviales ou d’expéditions) sur 150 routes.

 

De cinq jours à quatre mois

Pour embarquer, nul besoin d’avoir la vie devant soi puisque les itinéraires les plus simples quittent Dunkerque ou Le Havre pour l’Irlande, soit cinq jours en mer, avec ou sans escale en Angleterre. Malte est également à portée d’une dizaine de jours de vacances au départ de Marseille. A l’autre bout de la liste des envies ou des fantasmes, voici le mythique tour du monde, un peu plus de quatre mois de navigation, départ du Havre, canal de Suez (attention, pour raisons de sécurité, les autorités égyptiennes exigent régulièrement que les passagers restent confinés dans leur cabine), Chine, Australie, Tahiti, Panama, Etats-Unis… Entre les deux, place à tous les projets, une folie, un rêve, l’audace d’une vie : les Antilles, les grands lacs américains, Rio de Janeiro, Shanghai, la Nouvelle-Zélande, le Groenland, le Japon, Dubai, Cartagena, Nouvelle-Calédonie, etc. Le passager est roi, il décide de sa formule, aller-retour ou simple aller, de son temps, entre dix jours et trois mois à bord, il choisit enfin sa ou ses destinations. Sachant que les bateaux qui acceptent des passagers n’en embarquent que deux, trois, cinq, une dizaine au maximum, qu’à bord, hormis le gite et le couvert, rien n’est organisé pour eux, et que la durée des escales est limitée au temps strictement nécessaire au déchargement et chargement des marchandises. Rarement une journée entière. Au monde des armateurs, un navire au port coûte plus qu’il ne rapporte, à la manière d’un avion stationné sur le tarmac, alors pas question de lambiner !

 

Le cargo est un voyage en soi et ne promet pas d’enrichir ses visites touristiques de manière conséquente. Exemple, lors d’une escale de 14 heures à New York, il sera possible d’aller déjeuner à Little Italy si le cargo est amarré aux pontons du bout de Manhattan ou sur les quais de Brooklyn, moins d’admirer en détail la dernière exposition du Moma ou d’écumer sans hâte les boutiques de la Vème Avenue. Ce sera encore plus compliqué si le navire est cantonné aux installations portuaires du New Jersey, surtout si le décompte du temps commence à minuit, heure possible d’accostage… On compensera avec la photo de Big Apple prise depuis la passerelle du cargo.

Retenir en tous cas que, contrairement aux ports de plaisance souvent dessinés en pleine ville pour l’agrément du regard sur les voiliers, les bassins marchands avec leurs grues géantes et leurs murs de conteneurs, sont installés à l’écart de tout, en particulier des terrasses animées sur lesquelles on rêve de siroter un cocktail couleur tropiques.

 

Environ 110 euros par journée à bord

Savoir enfin que le budget est quasiment uniforme, quelle que soit la destination retenue : autour de 110 euros par jour et par personne. Tout compris, repas et hébergement en cabine. Une traversée entre Le Havre et New York ou les Antilles françaises coûte ainsi entre 1 200 et 1 500 euros. Il faudra ajouter le vol retour ainsi que le taxi pour accéder au bateau (exemple au Havre : 30 à 40 euros selon l’heure et le jour, sans alternative de transports en commun) comme celui qui conduira du port à l’aéroport de retour, éventuellement une nuit d’hôtel sur place et les dépenses afférentes.

Une publication partagée par @ggwena76 le 18 Oct. 2017 à 5 :03 PDT

L’option cargo est donc bien plus onéreuse que le trajet en avion. Il ne s’agit pas d’une alternative mais d’une autre aventure, elle est unique. Le cargo intègre une part de rêve dont il est seul inventeur, le seul détenteur. « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! La mer est ton miroir, tu contemples ton âme » (Baudelaire), ce territoire plus grand que le monde où les oiseaux se jouent des frontières, où les vagues autant que le vent, ignorent les fuseaux horaires. Outre l’imbattable romantisme du voyage en bateau, il promet la magnifique aventure du temps lent, celui qu’on prend, celui qu’on aime perdre, cet autre qui s’envole avec une risée soudaine ou s’étire au gré d’une rêverie de bastingage. L’essentiel se révèle alors. Le cargo devient bulle d’ailleurs, cocon d’outre-monde, puissant révélateur d’espace intérieur. Initial, initiatique. Embarquement immédiat.

 

Encadré

Les voyage en cargo est déconseillé aux…

Phobiques de la solitude, angoissés pas l’immensité, vite gagnés par l’ennui, boulimiques de l’activité, accros des mails, d’Internet et des réseaux sociaux, personnes à mobilité réduite, celles ayant des difficultés avec les escaliers ou ayant des problèmes d’équilibre, soucieux de confort 5-étoiles et de services à la carte, gastronomes, femmes enceintes, très jeunes enfants, personnes âgées, pressés d’arriver, fans de tourisme et de programmes encadrés, etc.

Une publication partagée par CMA CGM (@cmacgm) le 13 Févr. 2018 à 2 :51 PST

 

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Par

JEAN-PIERRE CHANIAL