Argentine

Tout savoir sur la gastronomie argentine

Tout savoir sur la gastronomie argentine

Végétariens, passez votre chemin. Dans ce pays grand comme cinq fois la France mais bien moins peuplé (45 millions d’habitants), le registre alimentaire s’en tient aux élans initiaux de la conquête : l’amour de la terre, la fameuse et immense pampa, celui de l’élevage avec ses dizaines de millions d’ovins et de bovins qui paissent en totale liberté, la classe d’estancias tendues sur des milliers d’hectares sans oublier l’art des gauchos artistes du galop et du lasso. Ajoutons une pointe de machisme, fierté des Argentins comme de leurs belles et voilà le filet de bœuf, ici, on dit « lomo », qui s’impose en incontestable roi de la table.

 

Avec une consommation d’environ 60 kilos de viande par an (trois fois plus que les Français), les Argentins se moquent bien des modes et de l’air du temps. Désolé pour les influenceurs vegan et les blogueurs de régime basse-calories mais « l’asado » du dimanche, c’est sacré ! Ce barbecue géant, une vraie cérémonie, réunit toute la famille ainsi que les amis, leurs amis aussi, les voisins, leurs voisins tout autant. Un grand four de plein air, une grille géante sur son tapis de braises et passez les grillades au maître de cérémonie qu’il conviendra de féliciter pour son art du feu !

 

La viande argentine

Oui, mais attention, pas question d’être petit bras : le steak, quoique souvent coupé fin, couvre toute l’assiette, le principe d’un homme sa côte de bœuf va de soi, quant aux saucisses et aux cuisses de poulets, elles sont servies par grappe. Inutile d’insister, tout élan de modération passerait pour suspect. Entre deux, céder au plaisir des empanadas, petits chaussons fourrés à la… viande, sorte d’amuse-bouche pour calmer les affamés. Pas d’impatience, le malbec, ce vin rouge charpenté élevé aux pieds de la cordillère des Andes du côté de Mendoza, coule à même le tonneau pendant que les patates joliment cramoisies accompagnent le tout. Des notes de guitare, une voix de velours sur un tempo de tango, quelques pas de danse, que la fête commence !

Restaurant argentin

Kevin Faingnaert

 

Les tenedor libre

Ceux qui n’ont pas le bonheur d’avoir une famille accueillante se consolent en poussant la porte d’un « tenedor libre », une gargote à l’abri de laquelle la viande est servie à volonté, jusqu’à plus faim. Ces restaurants parfois vastes comme des terrains de foot, sont placées sous le signe de la fête avec leurs grandes tablées, leur service sans manière et les quantités impressionnantes de bœuf, agneau, poulet, porc livrées à l’appétit des clients. L’orchestre accompagne les mâchoires, ça chante, ça siffle et ça danse pour une réjouissante ode au bonheur d’en, être. Spectaculaire, convivial et jamais ruineux.

 

Terrasse de Buenos Aires

Gunnar Knechtel/LAIF-REA

 

Trois macarons à Menton

Heureusement, la gastronomie argentine ne se limite pas à la viande. Première alerte, Mauro Colagreco, chef argentin du Mirazur, a décroché ses trois macarons Michelin à Menton en 2019. Dans la foulée, ses collègues de piano l’ont désigné comme le meilleur d’entre eux. Un signe. D’autant que son plat-signature est le carpaccio de betterave, certes cuite en croute de sel, certes nappée de caviar, mais voilà bien la démonstration de l’ouverture des papilles argentines. C’est rassurant, quoique son exemple ne soit guère suivi dans son pays d’origine. Du moins, pas encore.

 

carpaccio de betterave

Source : Instagram

 

Tradition italienne

Alors, distinguons. Dans les grandes villes, essentiellement à Buenos Aires et Mar del Plata, la station chic, Mendoza, reine des vins locaux, Bahia Blanca, porte de la Patagonie, éventuellement Rosario, ville de naissance de Lionel Messi, idole absolue du pays, et de Che Guevara, le verdict est moins unanime, on déniche des tables sophistiquées auto-déclarées gastronomiques. Chères, voire très chères, toutes d’inspiration européenne. Et, dans nombre de cas, de tradition italienne.

Au début du siècle dernier, l’Argentine a en effet accueilli une importante communauté venue de la botte. Humbles du Sud, la pizza reste donc ici en son royaume, aventuriers du Nord et voilà l’escalope milanaise panée comme on l’aime autour de la Scala. Résultat, pas une ville qui ne revendique ses trattorias, certaines dignes gardiennes de l’esprit de la mamma, beaucoup d’autres simple comptoir à pâtes, salade caprese ou encore provoleta, du fromage provolone grillé à la plancha, servi fondant à la manière de notre camembert passé au four. Simple, attendu, irrésistible et pour une poignée de pesos.

 

provoleta argentine

Source : Instagram

 

Araignées XXL d’Ushuaia

Par ailleurs, ne pas oublier que le pays est bordé par 5 000 kilomètres d’Atlantique. Voilà qui justifie la présence sur la carte de poissons et crustacés. Mais curieusement, avec timidité, en bas de page, comme s’il était alors question de délicatesses pour dames au pays des gauchos mal rasés. Sur les terres offertes aux troupeaux libres, la tradition terrienne efface la saga des marins-pêcheurs. Une exception toutefois : les araignées de mer format XXL initialement servies à la manière d’une curiosité dans les restaurants d’Ushuaia, plein sud, dernière escale avant les tourments du Cap Horn. Ce fut un triomphe. Le bouche à oreille leur a fait gagner les viviers de nombreuses tables pieds dans l’eau jusque sur le port rénové et très branché de Buenos Aires. Choisir une seule bestiole pour deux, ajouter une salade, éventuellement un bol de riz, puis laisser faire les marmitons. Photo, s’il vous plaît, le crustacé géant va cartonner sur les réseaux sociaux.

 

Araignée de mer argentine

Source : Instagram

 

Le dulce de leche

Enfin, pas question de demander l’addition sans sacrifier au rituel du dulce de leche. Cette confiture de lait couleur caramel figure depuis toujours au panthéon de la gourmandise argentine. Du lait donc, du sucre, une pointe de bicarbonate, cuire à feu doux une bonne demi-heure, et laisser refroidir la pâte couleur marron glacé ! Bonheur assuré en plongeant la cuillère direct dans le pot à moins de préférer étaler la crème sur la crêpe ou la tartine du petit déjeuner. Déclinaison royale : le macaron garni de dulce de leche et nappé de chocolat, prononcer alors alfajores. Certains assurent que malgré son bilan calorique catastrophique, cette gourmandise justifie à elle seule le voyage en Argentine. Vamos !

 

dulce de leche

Source : Instagram

 

Par

JEAN-PIERRE CHANIAL

 

Photographie de couverture

KEVIN FAINGNAERT