Autriche

Salzkammergut, à vos souhaits

Salzkammergut, à vos souhaits

En automne comme au printemps, cette microrégion d’Autriche dessinée aux portes de Salzbourg, rayonne. De vert tendre ou de roux flamboyant. Elle aligne lacs superbes, pâtures tendres et sommets coiffés de blanc, le tout griffé de chemins qui enchantent les randonneurs, les VTTistes et même les amoureux. Idéal pour les tenants d’escapades tonique ou méditatives dans un magnifique esprit d’empire.

 

Imprononçable mais pas intraduisible. Tentons « Le bon grenier à sel ». La région regorge en effet de cet or blanc qui fit jadis le régal des Celtes puis des Romains et la richesse marchande de ce confetti dessiné au pied des Alpes, fief au passage de la dynastie des Habsbourg. Voilà qui donne de la classe et de la dimension. Le Salzkammergut ne manque ni de l’une, ni de l’autre.

 

Les lacs du Salzkammergut

Désormais, la pépite autrichienne du tourisme vert mise sur l’élégance et les délices du grand air. Il est vrai que le cadre en impose. Plusieurs dizaines de lacs (officiellement, soixante-seize) sont au programme. On y pagaye, on y borde la grand-voile, on y file en faisant le fier à bord d’un Riva de location, on y barbote en jurant « elle est trop bonne ! » même quand on claque des dents et on en fait le tour d’un mollet alerte. Entre deux miroirs qui reflètent les sommets voisins, on rêve de valser sur la route au volant d’un cabriolet vintage, à moins d’être un ardent de la randonnée et de tailler le chemin des vaches à clochette et des brebis à tome fraîche.

Lacs de Salzkammergut

Julien Lardy

Le principe de la région est simple : un gros village, son lac. Mondsee, porte d’entrée du Salzkammergut est à une trentaine de kilomètres de Salzbourg, plein est. Ensuite, dérouler tranquillement les courtes distances qui séparent bourgs et plans d’eau. Sankt Gilgen avec ses façades décorées de fresques soignées, Sankt Wolfgang où se trouve la fameuse Auberge du Cheval blanc, cadre de la comédie musicale culte des années trente, Hallstatt, capitale celte du sel, inscrite au Patrimoine mondial par l’UNESCO, sans oublier le lac de Gosausee ou celui de Hallstatt, des merveilles pour photographes autant que, chaque hiver, pour les skieurs qui aiment les pistes alentours prêtes à plonger dans les eaux claires, turquoises ici, marines là-bas. Et si d’aventure elles sont gelées, voici les patineurs qui prennent le relais pour valser en mesure au pays des opérettes.

 

Fiançailles avec Sissi

Justement. C’est un paradoxe mais la plus connue, la plus chic aussi, des stations du Salzkammergut, Bad Ischl, est quasiment la seule à ne pas être au bord d’un lac. Au centre exact de la région, elle rayonne grâce à ses thermes ouverts un jour de 1823, ah les miracles des bains en eau salée !, et toujours actifs. Il est vrai que toute la bonne société viennoise, voire européenne, y prit ses quartiers d’été, dans le sillage de l’empereur François-Joseph. Oui, il déclara ici la guerre à la Serbie en 1914, prélude à la Première Guerre mondiale. Oui, soixante ans plus tôt, le 19 août 1853, il avait célébré ici-même ses fiançailles avec la délicate Sissi (elle avait 15 ans, lui, 23), offrant ainsi au village de 14 000 habitants posé à 500 mètres d’altitude, son label d’éternité.

Salzkammergut

Julien Lardy

Du coup, Bad Ischl devient référence. Mais rien d’usurpé dans cette reconnaissance frappée du sceau de l’aristocratie. Le décor naturel est à tomber. Des forêts épaisses, des prés si bien tondus qu’on croirait des tapis de billard, des chemins de promenade noyés dans la verdure et les fleurs, agrémentés de jolis bancs, de rochers comme jetés là par une fée esthète, des façades peintes de fresques charmantes, une rivière, la Traun dont les quais sont aménagés pour la promenade, une autre, l’Ischl, qui glisse devant le palais impérial désormais ouvert à la visite…

 

Château impérial aux murs d’or pâle

Durant plus de soixante étés, François-Joseph rassembla ici sa cour, savourant la pureté de l’air et du ciel qui offre au monde et aux pensées une légèreté rassurante. La Kaiservilla aux murs d’or pâle et ses jardins, 25 hectares tout de même, sont toujours la propriété des Habsbourg. L’empereur prenait également les eaux comme aimaient le faire l’aristocratie de l’époque, ainsi que de nombreux artistes, Klimt, Brahms, Malher… Ce joli monde fit construire au XIXème siècle villas flamboyantes et hôtels cossus, soigneusement restaurés et entretenus pour offrir au village son irrésistible cachet. Du reste, les thermes fonctionnent comme au premier jour, modernisés de remous, de cascades et autres jets numérisés calculés pour soulager troubles respiratoires ou circulatoires. A moins de juste opter pour le bien-être et la remise en forme selon les envies du moment.

Hallstatt

OT Salzkammergut

 

Boutons en corne de cerf

Ensuite, il sera temps de compenser en cédant à la gourmandise. Elle est irrésistible, mais attention, deux écoles s’opposent à Bad Ischl : café Zauner ou bien café Ramsauer ? Les deux ! Boiseries patinées, rideaux de dentelle, chocolat chaud, pâtisserie dodue, gâteaux crémeux… Surtout, ne pas s’étonner de ses voisins en habits traditionnels. La population locale aime porter la culotte de cuir aux boutons en corne de cerf (lederhose) et la robe à plan brodé (dirndl). Mémoire d’empire, fierté d’un paysage initial, amour des traditions… Imprononçable ? Le Salzkammergut tient bon.

 

Par

JEAN-PIERRE CHANIAL

 

Photographie de couverture : Getty Images