Etats-Unis

Philly Arty

Philly Arty

La cinquième ville des Etats-Unis (2 millions d’habitants en ville, trois fois plus avec l’agglomération), première capitale du pays de 1790 à 1799, mise sur l’art. Avec trois musées majeurs et plus de 3 800 façades peintes qui en font la reine mondiale de l’art mural, Philly comme on dit, joue la classe arty.

C’était au début des années quatre-vingt. Le « street art » barbouillait les murs de la ville de manière plus ou moins inspirée. C’était une manière de crier la rage des quartiers ghettos, du manque de boulot, des mômes brisés par les kaïds de la dope. Jane Golden, une peintre alors trentenaire qui elle aussi passait ses nuits à donner des couleurs aux murs a eu l’idée de soumettre un curieux projet à la municipalité de Philadelphie.

Fresque murale à Philadelphie

Parris Stancell

Elle avait remarqué qu’une œuvre géante révélée au petit matin dans un quartier populaire interpellait ses habitants. Les flattait en les singularisant. Suscitait des questions sur la marche à suivre permettant de s’emparer de façades abandonnées. Déclic. Et si on tenait là une solution qui fédère les taggueurs énervés, voire qui débouche sur des réalisations collectives aux vertus éducatives ? Bingo. En 1984, Philly confie à Jane la direction du Mural Arts Program, le MAP. Elle en est toujours la patronne, 33 années plus tard. Avec un bilan de rêve : 3 800 façades peintes, plus de 2 000 en attente, des créations impressionnante (l’une d’elle représente François et a même été signée par le souverain pontife en visite en 2015) un art reconnu dans le monde entier, des centaines de demandes en attente, plus de 200 villes adoptant à leur tour cette manière de transformer le mal-être en beautés urbaines.

 

Peintures collectives

Du coup, la municipalité organise des tours commentés passant devant les plus belles réalisations. Ici un jardin d’Eden, là un boxeur ou un joueur de basket, plus loin, un drapeau américain sur 1 000 m² de crépi, à côté d’une table familiale ou d’un Christ en pleine lumière. Le nombre produit la parfaite diversité de ces réalisations qui épatent par leur qualité. Surtout quand on apprend que l’esprit d’origine a été respecté. Chaque fresque est un travail en commun. Sous la direction d’un pro, elle fait travailler ensemble des classes d’école, les membres d’une même entreprise, des chômeurs, une équipe de football ou une communauté religieuse et même des prisonniers. Il n’empêche. En 2017, Philadelphie reste une ville où la castagne et le gun tuent encore plus de 300 morts par an, plaçant la ville au 9ème rang des Etats-Unis en matière de criminalité. L’art des « murals » a évidemment ses limites. Au moins enchante-t-il les visiteurs.

fresques murales à Philadelphie

Jean Marie Douau

 

Barnes et Rodin

D’autant que Philly leur réserve trois autres visites majeures. Très classique, voici celle du Museum of Art, le Louvre local avec des collections qui couvrent tout le registre des créations humaines entre le XIIème siècle et nos jours, avec des milliers d’œuvres présentées. Remarquable section consacrée à l’art américain.

Les deux autres expositions sont nettement plus originales. Au point d’être uniques au monde. La fondation Barnes qui a récemment déménagé pour trouver un espace à sa démesure abrite une des plus importantes collections de peintures impressionnistes de la planète. Elle a été réunie au début du XXème siècle par un pharmacien fou de Matisse, Renoir, Cézanne, Modigliani, Picasso, Degas, Soutine, Gauguin et tant d’autres qu’il venait rencontrer en leur atelier à Paris et en région. Résultat : des centaines de toiles présentées dans un joyeux fouillis qui seraient estimées aujourd’hui à plus de 20 milliards d’euros. Aucune n’est à vendre. Ce musée peu ordinaire mais exceptionnel justifie à lui seul le voyage jusqu’à Philadelphie.

 Trois Musiciens - Peinture de Pablo Picasso - Philadelphia Museum of Art

 Trois Musiciens - Peinture de Pablo Picasso - Philadelphia Museum of Art

Enfin, Rodin a lui aussi son temple ici, un faux de style grec, aux dimensions modestes. Mais bluffant par les 128 œuvres du maître qu’il présente. La Porte de l’Enfer, les Bourgeois de Calais, le Baiser, Balzac, Adam et Eve, des mains tendues vers le ciel… L’histoire se répète : ici encore, un richissime philanthrope, Jules Mastbaum tombe en passion pour le sculpteur à l’occasion d’un voyage à Paris en 1923. Ni une, ni deux, il achète toutes les œuvres disponibles pour les exposer dans sa ville, Philadelphie.

 

Le bon plan américain

Ce caractère artistique affirmé trahit l’aura dont bénéficie la ville auprès des Américains. Philly joua en effet un rôle majeur dans l’histoire des Etats-Unis. C’est ici que fut déclarée l’indépendance en 1776, que fut adopté la constitution inspirée de la nôtre, un an plus tard, avant d’être élevée au rang de première capitale du pays, ce qui attira tous les curieux du monde, Chateaubriand, Tocqueville, Talleyrand et tant d’autres débarqués ici pour soutenir la première démocratie du Nouveau Monde.

vue d'ensemble de Philadelphie

Mark Makela/The New York Times-REDUX-REA

Les modernes voyageurs lui trouvent un autre attrait. Genre astuce qu’on se refile entre amis. L’aéroport international de Philadelphie est assez peu fréquenté et en moins d’une heure, on entre dans sa chambre d’hôtel, contrôle douanier effectué, bagages récupérés. Une aubaine qui suggère d’entamer ici son périple sur la côte est des Etats-Unis par une ou deux nuits sur place. On le poursuivra ensuite avec 90 minutes de train rapide vers New York à 161 km ou Washington DC à 214 km. Certains optent pour la totale avec Philly comme point central. Le bon plan américain.

 

 

Par

JEAN-PIERRE CHANIAL