Inde

Happy Holi, la grande fête arc-en-ciel de l'Inde

Happy Holi, la grande fête arc-en-ciel de l'Inde

Du 17 au 18 mars 2022, l'Inde se réveillera sous les couleurs ! C'est Holi, la fête de l'amour et du nouvel an lunaire, la fête la plus exubérante de toute l'Inde, et Dieu(x) sait s'il y a des concurrentes, dans ce pays aux 1.2 milliard d'habitants, de cultures et de religions très diverses. L'hindouisme, à lui seul, compte traditionnellement 33 millions de dieux, et une bonne partie d'entre eux bénéficie, au minimum, d'un pittoresque festival de village, où l'on sort la divinité dans les champs, sous les chants et les hourras.

 

Holi commence bien avant holi. Depuis des semaines, les « tubes » de holi et leurs clips, déclinés dans différentes langues du pays, occupent les ondes, débordent des boutiques dans les rues, tournent en boucle dans les bus, sont repris en chœur par les  passants. Un peu notre « petit papa noël », en somme, en version Bollywood : le rythme swingue,  les couleurs sont sursaturées. 

 

Les étals de marchés se sont couverts de cônes de gulal, les poudres de couleurs multicolores, et chacun fait des provisions : le jaune donnera la ferveur religieuse, le vert l'harmonie, le rouge la pureté... Traditionnellement, les pigments étaient naturels. Le jaune orangé, par exemple, était fait à partir de poudre de safran, que l'on mélangeait à la poudre de riz dans des cuves géantes, et le parfum s'ajoutait à la teinte. Aujourd'hui, économie oblige, le gulal est presqu'exclusivement synthétique, et d'autres couleurs apparaissent, sans aucune signification religieuse : rose fuchsia, violet pétant. A côté des poudres trônent des pistolets à eau géants, des bombes de mousse, des pots de crème dorée ou argentée : en Inde, pour holi comme pour tous les moments de la vie, sacré et profane s'interpénètrent dans un joyeux capharnaüm.

pigments sur les murs pour la fête d'Holi

Jeudi 1er mars, la pleine lune se lèvera sur un pays électrisé. Pas de couleurs encore, même si quelques petits rigolos, n'y tenant plus, enfreignent les règles et balancent en douce quelques mini-jets de poudre ça et là. Ce soir, ce n'est pas holi, c'est holika, la nuit de pleine lune qui précède la fête des couleurs. Elle commémore la légende de Holika, qui ne craignait pas le feu. Son frère, le roi Hiranyakashipu, exigeait que tout le monde se prosterne à ses pieds. Mais Prahlad, son fils, lui préférait la religion. Hiranyakashipu défia Prahad de s'allonger dans le feu avec sa tante. Prahlad accepta, Holika fut brûlée et Prahad sauvé. C'est ainsi que la nuit de holika, qui symbolise la victoire du bien sur le mal, purifie l'Inde avant holi : depuis quelques jours, des tours de bois, branchages, cageots, barreaux de chaises, agrémentées de guirlandes d’œillet d'Inde... ou de pétards, s'amoncellent un peu partout, dans les rues, sur les places, au bord des ghâts.

 

La nuit tombée, on les allumera, priera un peu parfois, dansera beaucoup. Le whisky et le bhang couleront à gogo. Les flammes monteront jusqu'au ciel – atteignant parfois sur leur chemin les câbles électriques chaotiques qui signent les villes d'Inde. On réparera cela plus tard, cette nuit-là nul besoin de lumière artificielle, entre les feux de joie, la lune, et les pupilles qui pépient, il fait jour comme en plein midi. Des représentations de rue mettent en scène Shiva, Krishna, Radha et les démons, et même si l'on n'entend pas un seul mot de hindi, le spectacle est euphorisant.

homme de dos avec des pigments de couleur sur le dos

Demain, début de gueule de bois, l'Inde ne se réveillera pas très tôt. Un coup de thandaï (un plat traditionnel pour la holi fait de lait glacé, d'amandes, d'épices et de cannabis) et ça repart, on est prêt pour le paroxysme de la fête. Chacun sort dans les rues, jeune, vieux, enfant, ado, homme, femme, et s'asperge mutuellement de couleurs variées. Même des ancêtres sont de la fête, certains posent leurs portraits sur le pas de leur porte pour qu'ils puissent participer. On se transforme tour à tour en Schtroumph, en extra-terrestre, en Arlequin, les rues deviennent des tableaux de Jackson Pollock éphémères et géants. « Bura na mano, holi hai ! » (« ne soyez pas fâché, c'est holi ») est-il coutume de dire en colorant nos vêtements de façon indélébile.

femmes qui fêtent holi

Tous colorés, tous égaux. Une des multiples légendes à l'origine de la fête dit qu'elle serait née pour résoudre les problèmes de Krishna, le dieu à la peau sombre, amoureux de Radha à la peau blanche : en s'aspergeant mutuellement de couleurs, il n'y aurait plus de belle ni de vilaine peau. Et il est vrai que ce jour-là, à l'instar de notre carnaval, les différences entre les castes s'atténuent, dans le grand tohu-bohu de la fête. C'est un jour de réconciliation, on va les uns chez les autres, les différends de l'année passée sont effacés. Et puis, en début d'après midi, tout s'arrête d'un coup.

On se lave, les fleuves et les bassins deviennent orange et rose, les maisons sont nettoyées à grande eau, et les enfants ressortent, la peau portant les stigmates de la fête, vêtus de leurs habits neufs, immaculés. Happy holi ! Et à l'année prochaine !

homme qui vend des pigments de couleurs pour la fête de Holi

 

En pratique :

  • Enfliez de vieux vêtements, ou un ensemble en coton blanc achété quelques centaones de roupies dans un marché, et si vous avez les cheveux clairs, protégez-les par un turban. Certains pigments sont particulièrement résistants aux shampoings.
  • Évitez de sortir votre appareil photo, sauf s'il est étanche.
  • Si vous n'êtes pas en Inde cette année, holi se fête aussi près de chez nous, toute proportion gardée, dans les quartiers indiens des grandes villes.
  • L'année prochaine, en 2019, la holi se tiendra le 21 mars. Choisissez impérativement le Nord de l'Inde où la fête est beaucoup plus suivie que dans le Sud du pays.
  • Et pour avoir les couleurs de holi avec soi tous les jours, le livre de Véronique Durruty aux Editions de la Martinière « Indian Holi »

 

Texte et photographies

VERONIQUE DURRUTY

 

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