Chypre

Chypre, Île Aphrodite

Chypre, Île Aphrodite

Chypre, c’est la mythologie grecque érigée en art de vivre. Grecque, byzantine, franque, vénitienne puis ottomane, elle est aussi conservatoire de l’histoire du bassin méditerranéen.  De criques azur en montagnes de cèdres, une Hellène orientale aux charmes mêlés.

 

Aphrodite est née sur une plage de Chypre, surgie des eaux soulevées par un rocher qu’un Titan avait lancé. Terres blanchies par le soleil, villages engourdis par la chaleur, oliviers tordus, on rejoint Paphos, à quinze kilomètres de là. La ville doit beaucoup à la déesse de l’amour : c’est pour jouir de l’éternelle jeunesse promise par la mythologie  à ceux qui se baignaient autour de son rocher que les pèlerins ont débarqué là par milliers : une expansion qui, à l’époque romaine, fait de la ville la capitale de l’île. Des forums, des théâtres, et des odéons, dont témoignent aujourd’hui les sites archéologiques. Mais le trésor de l’ancienne capitale de Chypre, ce sont ses mosaïques, dont la fraicheur n’a rien à envier à celles d’Antioche : dans les ruines de la maison de Dionysos, grande villa romaine – découverte par hasard en 1962 par un paysan qui labourait son champ – les mosaïques multicolores racontent les aventures des dieux de la Grèce antique, du cortège triomphal de Dionysos rentrant des Indes à Narcisse s’admirant en son reflet. La maison de Thésée est nommée ainsi pour sa belle mosaïque du IIIème siècle représentant le héros tuant le minotaure. Paphos, c’est aussi un petit port, où les hommes jouent au tric trac aux terrasses des tavernes, où on l’on déguste face à la mer des mezzés de poissons arrosés d’un vin blanc pétillant.

Rocher d'Aphrodite à Chypre

Frank Heuer/LAIF-REA

En quittant ces beautés païennes pour gravir les pentes des monts Troodos, on passe d’un monde à l’autre, de la mer azur aux forêts de cèdres, de l’opulence charnelle du monde hellénique aux austérités des monastères orthodoxes. Au monastère de Chrysorogiatissa, dominant la vallée,  au coeur des vignes, foule de pèlerins venus implorer la Vierge au téton d’or – dans la chapelle les ex-voto naïfs témoignent des prières de fertilité adressées à Marie. Plus haut dans la montagne, à 1 100 mètres d’altitude,  au cœur des forêts, le monastère de Kykko est habité par une communauté de trente moines – là aussi, des pèlerins, russes et grecs, qui viennent embrasser l’icône peinte par Saint Luc. En randonnant le long des sentiers du Troodos on découvre aussi les églises peintes des vallées. Leurs fresques byzantines sont émouvantes  – on se souvient d’une représentation naïve des enfers promis aux pécheurs, épouses infidèles, usuriers ou meuniers malhonnêtes.

Mais on ne pourrait clore ce voyage sans aller saluer encore une fois la déesse de l’amour et de la volupté. Si elle est née au sud de l’île, c’est dans la péninsule d’Akamas qu’elle aimait à prendre ses bains. Surplombant des criques d’eau cristalline (une eau tellement pure que l’on peut distinguer à plusieurs mètres toutes les nuances  blanches et grises des roches) deux sentiers bordés de figuiers sauvages – odeur entêtante des figues noires ! – mènent à une conque en forme de coquille, où sous une cascade d’eau douce, il nous semble voir l’Aphrodite de Botticelli.